On imagine souvent les jardins japonais comme un genre spécifique et unique. En fait, la réalité n'est absolument pas aussi monolithique.
Le guide Hachette que j'avais emporté distinguais quatre types de jardin:
- le jardin promenade, qui comporte des perspectives dévoilées puis cachées, et qui jouent souvent du "paysage emprunté" (en fait, un élément extérieur au jardin, comme le toit d'un temple, ou un arrière-plan de montagne)
- le jardin de thé, en réalité un sentier bordé de plantes taillées, qui fait passer du monde réel à la cérémonie
- le jardin de paradis, évocateur du paradis bouddhique ou de la terre pure, et qui recrée des illusions d'îles o de paysage en s'intégrant dans le paysage naturel
- le jardin sec, ceux de la philosophie zen, extrêmement épurés.
Pour ma part, je ne sais dire si j'ai vu tous ces types de jardins, mais certains sont apparus clairement pour moi.
J'ai été particulièrement frappé par les jardins zen, dont le caractère abstrait est impressionnant. Ce qui est d'autant plus étonnant, c'est que le Japon a gardé une structure politique moyenageuse jusqu'à la moitié du 19ème siècle, et que ces jardins, qui semblent si proches de l'art abstrait contemporain, datent parfois de quatre siècles! A noter que ces jardins se contemplent (se méditent) depuis la "terrasse" d'un temple.
Le premier que j'ai vu est celui du Daisen In. Une merveille représentant le cours de la vie, depuis la naissance, le tumulte de la jeunesse (représentée par une cascade de graviers), le fleuve de la vie et l'océan de la sagesse, mais qu'il est interdit de photographier... J'ai toutefois été étonné car il est bordé d'une haie vive de différentes essences, et puis derrière, de grands arbres qui n'étaient pas là à l'origine (il semble qu'il y avait un paysage emprunté), mais qui ont été plantés pour masquer les immeubles qui ont bouché la vue (je suis toutefois sceptique sur cette interprétation car la zone sacrée où est situé ce temple - dans le Daitoku Ji, avec des dizaines d'autres temples- est particulièrement grande). Cette haie vive attire l'attention, alors que face à elle se trouve un océan de gravier et au un cône de graviers représentant le caractère éphémère de la vie et le fait que l'orgueil n'a pas de sens.
Un des plus connus est celui du RyoanJi, constitué de 15 rochers qu'il est impossible d'embrasser tous d'un seul regard. Celui-ci, par contre, est bordé d'un mur pas très haut couvert d'un revêtement argileux ayant baigné dans de l'huile, ce qui donne des effets de marbrures vivants (je suis sans doute imprécis voire inexact dans mes explications, mais si je prends le temps de chercher davantage, vous aurez ce descriptif en 2014
). Un cerisier pleureur est planté juste derrière. Pour ma part, je ne suis pas mécontent de ne pas l'avoir vu en fleurs, car je pense qu'il attirerait l'attention au détriment de la contemplation des rochers. L'ambiance était moins méditative, ce site étant l'un des plus visités de Kyoto (donc du Japon).
Ryoan Ji:
Enfin, il m'a été donné de voir un troisième jardin zen. Malheureusement au pas de course: on avait dépassé ce temple, et une fois au suivant, je me suis aperçu que je loupais un jardin intéressant. Du coup, j'ai un peu speedé sur la visite du second temple pour retourner voir l'autre, sans trop faire attendre mes compagnons de voyage (ce jour-là, nous avions quatre temples à visiter, le chemin du philosophe à parcourir, et le quartier de Gion, l'un des plus authentico-touristiques de Kyoto). Il s'agit du jardin du Chion In, dont le jardin sec comporte deux îles
Chion In:
vue panoramique (sorry, pas le temps de reconstituer une photo mtnt)
Plan plus rapproché:
Un second type qui m'est apparu clairement est celui des jardins de promenade. Parmi ceux-ci, il y a évidemment celui du Kinkakuji, l'un des temples les plus célèbres du Japon:
J'en profite pour vous montrer le type de montages alambiqués parfois utilisé pour maintenir une branche:
Voici également une trace de la manière dont la mousse peut être réappliquée là où elle manque, comme nous le faisons pour la gazon:
Au Ryoan Ji, outre le jardin sec, il y a évidemment la balade à travers le jardin, qui comprend un étang en contrebas. L'occasion également pour moi de vous montrer les échasses tellement utilisées sur place:
Le Shoren In est un temple qui nous a beaucoup plu. Tout d'abord parce qu'il était un peu négligé par les touristes (pourtant, il était à deux pas du chemin du philosophe, mais il n'était ni le plus grand, ni le plus vieux, ni le plus, tout juste avait-il d'immenses camphrier à l'entrée:
Mais on a pu s'attarder dans le patio pour contempler le jardin, ce qui fut un moment particulièrement agréable
Le temple d'argent est un peu moins célèbre que le temple d'or, mais son jardin est intéressant aussi...
Ginkakuji:
Effet de mousse...
Un jardin qui m'a vraiment beaucoup plu, malgré son caractère très pittoresque qui me faisait un peu penser à ce qu'on faisait en Europe à l'époque romantique. Il s'agit du jardin dun temple Isui En, à Nara. On y voit clairement ce qu'on entend par "paysage emprunté", avec le toit du temple principal du site à l'arrière ainsi que les collines en arrière-plan. Ce qui est étonnant (et que je trouve si pittoresque), c'est que les arbres sont tellement taillés qu'ils forment un paysage de forêt en miniature; il y a aussi un faux moulin à eau...
Je continuerai dans un autre message, à un autre moment, pour vous parler des jardins plus clos (peut-être est-ce ce qu'on entend par jardin de thé), et qui sont parfois aussi ceux des maisons particulières, en ville, lorsqu'elles ont la chance d'avoir un terrain vierge de construction de quelques mètres carrés.